• Le dormeur du Val

    Le dormeur du val

    C'est un trou de verdure où chante une rivière,
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D'argent ; où le soleil de la montagne fière,
    Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

    Arthur RIMBAUD

     

     

     

     

    Le dormeur du ValArthur Rimbaud (1854-1891) est un poète français. Certains osent affirmer que c'est le plus grand poète de tous les temps tant sa poésie est révolutionnaire. Selon lui, on accède à la poésie pure « par un profond dérèglement de tous les sens ».

    À l'école, Arthur est très doué pour le latin. Adolescent, il envoie des poésies à un autre grand poète, Paul Verlaine, qui lui demande de le rejoindre à Paris. Ensemble, ils vont vivre une passion tumultueuse. Verlaine surnommera Rimbaud l'homme aux semelles de vent pour insister sur sa qualité d'homme libre.
    Libre, Le bateau ivre l'est aussi, l'un des plus fameux poèmes d'Arthur.

    Rimbaud est sans doute le poète qui aura tissé le lien le plus fort entre sa poésie et sa vie réelle. En effet, c'est très jeune qu'il arrête d'écrire (vers l'âge de 20 ans) pour se consacrer à une vie d'aventure et de voyages en Afrique. 

    Ce poème est sans doute inspiré au jeune Rimbaud, 16 ans à l'époque, par la guerre franco-prussienne de 1870, et plus particulièrement par la bataille de Sedan scellant la défaite française le 3 septembre 1870.

    Il est cependant peu probable que celui-ci ait réellement assisté à ce qu'il décrit.